Porter son bébé RGO

 
 
 

Porter son bébé RGO, voilà une recommandation pourtant évidente (en restant vertical, bébé profite des lois de la gravité sur le contenu de son estomac !) mais qui peut s'avérer ô combien compliquée !

Il faut déjà rappeler qu'il existe "reflux", "reflux" et "reflux", et ça n'est pas pareil !
Le RGO, reflux gastro oesophagien, désigne la remontée d' une partie du contenu de l'estomac dans l'oesophage. 
Il faut différencier le reflux physiologique qui correspond aux régurgitations du nourrisson et qui ne nécessite aucun traitement sauf s'il fait perdre du poids à l'enfant, du reflux pathologique qui lui demande une prise en charge médicale. Le reflux est d'ailleurs dit "pathologique" parce qu'il nécessite un traitement. Les remontées sont acides et très douloureuses. La complication la plus fréquente est l'oesophagite donc une brûlure plus ou moins étendue et profonde d'une partie de l'oesophage.

Plusieurs causes de reflux pathologique sont possibles. Elles sont généralement 
- d'origine mécanique : immaturité du sphincter qui ferme l'estomac, malposition au niveau de l'angle qui rattache oesophage et estomac (angle de His), plicature gastrique, hernie hiatale ... La plupart de ces pathologies évolue spontanément favorablement avec l'âge (même si certaines demanderont une chirurgie dès 2 ans), le traitement vise donc à permettre de patienter en limitant les douleurs et ses conséquences jusqu'à leur guérison.
- ou d'origine allergique : le RGO est alors un symptome d'une allergie. Quand on sait que 40% des RGO pathologiques sont causés par une allergie aux protéines de lait de vache, ça laisse rêveur ! Un repérage puis une éviction de l'allergène permet la plupart du temps de stopper le RGO et le traitement va aider à soulager la douleur le temps que l'organisme élimine les protéines responsables de cette allergie.
- certains bébés ont le bon goût de cumuler les 2 causes !

Concernant le reflux physiologique, des mesures simples peuvent limiter les remontées : manipuler bébé sans lui comprimer l'estomac (au moment du change ou de son transport par exemple), le garder à la verticale après les repas, incliner son couchage ... sont tout autant de mesures qui s'avèrent efficaces. 
Porter son bébé en écharpe est donc particulièrement indiqué car il permet de le verticaliser le temps de la digestion et calme les régurgitations.

Pour ce qui est du reflux pathologique, porter son bébé en écharpe s'avère bien plus compliqué : ce bébé a mal, il va donc rechercher à adopter une position antalgique, dans laquelle il se sentira le moins douloureux possible. D'instinct, ses bébés adoptent une posture "en banane" ou "en arc" quand ils dorment, donc sur le côté, la tête basculée vers l'arrière, leur coprs formant un C. Cette position étire l'oesophage et soulage un peu ... mais semble si loin de la position naturelle d'un nouveau né qui se rassemble en boule en arrondissant le dos, de la position foetale tout simplement.
En dehors de ces plus ou moins rares temps de sommeil (un bébé rgo dort peu tant il est dérangé par les remontées) les temps de crise accentuent se réflexe de mettre sa tête en arrière. Bébé se raidit, se cambre en arrière et ne supporte pas la sensation d'être maintenu, il est tendu, se tortille et se débat ... il souffre !

Porter bébé dans ces conditions relève du défi ! Pourtant, même s'il se débat, ce bébé a besoin d'être verticalisé, a besoin d'être rassuré par son parent ... souffrir fait peur, a besoin de d'être en contact physique avec lui, de savoir qu'il est à ses côtés, a besoin d'apprendre à relâcher cette tension, à besoin d'apprendre à s'arrondir pour être en capacité plus tard de s'auto rassurer. 

Pour avoir personnellement pratiqué ce type de portage, je vais me permettre de glisser quelques "trucs", conseils pour faciliter l'installation d'un bébé rgo en écharpe de portage, parce qu'en procédant un peu différemment d'ordinaire, porter un bébé rgo est la plupart du temps heureusement possible !

 

Après m’être assurée que l’on s’entendait bien sur ce qu’était un reflux, je poursuis avec une partie plus pratique : Comment installer bébé rgo dans l’écharpe ?
Il existe plusieurs méthodes : la méthode du “à l’arrach’” donc on exécute super vite son noeud sur un bébé hurlant et dès qu’il est en sécurité on bouge un maximum en espérant que bébé se calme avec les bercements du mouvement.
ça peut marcher !
D’ailleurs le mouvement est un excellent allié pour ces bébés : même pour un porteur à bras, si le porteur bouge, bébé n’a pas besoin de bouger pour avoir la sensation de bouger, donc peut se concentrer sur une position antalgique tout en étant bercé.
Quand bébé est en crise et que rien ne parvient à le soulager, cette “méthode” permet que bébé soit maintenu en sécurité pendant que son porteur tente de l’apaiser, le rassurer par des caresses, le temps que la crise passe. Cela s’avère être un soutien important pour le parent qui se trouve bien démuni (surtout après des nuits hachées voire moulinées ou même mixées) face à son bébé qui tente de sauter par dessus ses bras tant il n’est bien nulle part.
Les puristes vous diront que non, ça n’aboutit pas à un nouage parfaitement dans le respect de la physiologie donc que c’est maaal … mais la douleur n’est pas non plus dans le respect de la physiologie, et même si le noeud prend une finition un peu farfelue le temps que bébé se calme, il aura permis d’accompagner ce bébé dans ses souffrances et d’être à l’écoute de ses besoins, ce qui constitue l’essence du portage !

Pour un bébé souffrant de reflux, adopter une position avec le dos arrondi, la nuque dans le prolongement de son dos, collé contre une personne et le tout maintenu dans un tissus ajusté, c’est juste trop !
Un moyen d’y parvenir ?
L’installation doit se faire par étapes et prend plus de temps qu’une installation ordinaire.
L’option qui fonctionne le plus fréquemment c’est d’abord de se concentrer sur la position de son dos. Si l’on tente de lui arrondir le dos comme ça, en relevant ses genoux pour basculer son bassin et lui positionner la tête dans le prolongement, bébé va immanquablement jeter sa tête en arrière. C’est vital pour lui ! S’il sent une résistance sur sa nuque qui va l’empécher d’adopter la seule position qu’il connait pour ne pas souffrir, il ne se laissera pas faire !
Donc dans ces cas là, on oublie provisoirement le dos et on tente jusque de basculer le bassin. Mécaniquement le bas du dos va s’arrondir même si bébé garde le haut du dos bien raide.
Se mettre en mouvement pendant ce temps peut etre facilitateur.
Le porteur peut poser sa main sur le dos ainsi légèrement arrondi du bébé afin de l’habituer doucement au maintient qu’il va ressentir lorsque l’écharpe sera serrée.
On peut ensuite démarrer son nouage sans le serrer, pour bien laisser le temps à notre bébé d’accepter cette nouvelle étape qu’est le contact avec le tissus.
Ensuite, tout en le berçant de mouvements, on peut commencer un serrage léger, que l’on réajustera au fur et à mesure que bébé se laissera porter.

Quel noeud avec un bébé rgo ?
Déjà, une écharpe extensible, on oublie ! La sensation plaquante si rassurante pour un tout petit, que provoque ce type d’écharpe est tout simplement incompatible avec un bébé rgo.
Un noeud qui implique que le pan de tissus en contact avec le haut du dos de bébé fasse une ligne horizontale permet une sécurité supplémentaire en cas de “jeté de tête en arrière”, alors qu’un noeud croisé, un peu lâche, pourrait plus facilement s’entrebailler sous la pression …
Quoiqu’il en soit, il est primordial de croiser l’écharpe sous les jambes de bébé, soit par le choix du nouage lui même (enveloppé croisé) soit en finissant le noeud par une corde sous les fesses de bébé que l’ont viendra croiser. Ce point est extrèmement important au vu des risques majeurs de décapsulage (tissus qui “saute” en dessus des fesses en défaisant la poche qui soutient bébé). Un bébé rgo peut avoir une remontée violente qui le fasse se raidir d’un coup et tendre ses jambes pour devenir droit comme un I, et prévoir un nouage croisé permet que bébé reste en sécurité.

Pour certains bébés rgo, la proximité qu’implique le portage en écharpe n’est pas possible. Porter à l’aide d’un porte bébé préformé (ergobaby, manduca, boba) peut s’avérer un bon intermédiaire. Il est possible pour d’autres bébés de préférer un portage de profil, en sling par exemple où bébé restera bien vertical mais en étant assis profil à son porteur, réduisant la surface de contact direct avec lui.

Le portage n’est pas un traitement, il est essentiel qu’un bébé souffrant de RGO pathologique soit correctement et sérieusement accompagné médicalement (et cela implique parfois de déplacer des montagnes).

Porter son bébé c’est être à l’écoute de ses besoins, ceux du bébé comme ceux du porteur.
Porter son bébé RGO ajoute un paramètre important dans cet échange. Cela complique les choses et vient bouleverser, bousculer les techniques ordinaires liées au portage.

Parfois, il n’est pas possible de porter son bébé RGO, au moins le temps que son reflux ne soit un minimum stabilisé … ça peut être difficile à accepter quand on souhaite donner le meilleur à son enfant, mais être à l’écoute de son bébé c’est aussi être prêt à l’entendre répondre qu’il n’est pas prêt. 
C’est cela aussi créer du lien avec lui.

 

Bébé en poche - juin 2014